Quelles ressources peuvent être trouvées en ligne et dans les bibliothèques pour aider à comprendre un peu de théorie de la couleur ?

Préambule

Qu’est-ce que la théorie de la couleur ?

La théorie de la couleur a 2 aspects :

  • scientifique, lié historiquement à la physique de la lumière, mais à présent d’avantage apparenté à la psychologie, qui essaie de relier les signaux physiques avec des stimuli sensoriels,
  • artistique, qui étudie la sémantique de la couleur (essentiellement culturelle) et comment elle agit pour créer des ombrages crédibles en peinture ou des ambiances dans les photographies et le cinéma.

Il faut mentionner que l’aspect scientifique a été aussi étudié par des artistes (comme Munsell ). La discipline mélange des notions de :

  • physique (spectre lumineux, là où tout commence),
  • biologie et médecine (cellules rétiniennes, nerf optique et cerveau, c’est à dire le capteur humain),
  • psychologie (mémoire de la couleur et images rémanentes),
  • histoire de l’art (harmonies colorées),
  • ethnologie (signication culturelle des couleurs).

Chaque auteur n’étant typiquement un expert que dans un seul de ces domaines, bien qu’ayant besoin des autres, il est souvent utile de savoir à l’avance sous quel angle il va traiter le sujet, et à quel moment il risque de sortir de sa spécialité.

Pièges à éviter

L’essentiel du discours sur la couleur se concentre sur des modèles d’apparence des couleurs tridimensionnels : teinte-chroma-clarté ou teinte-saturation-luminosité. Il s’agit basiquement de décomposer la couleur en 3 propriétés absolues qui devraient idéalement être totalement indépendantes les unes des autres, ce qui serait pratique pour les applications concrètes dans le monde réel.

Le problème est que la vision n’est pas absolue mais sujette aux interférences avec l’arrière-plan et l’environnement. Le même patch de couleur affiché sur différents fonds (de couleur et d’illumination variables) apparaîtra différent. Mais la vision est également sensible au contraste local et aux motifs répétitifs, et des preuves scientifiques suggèrent qu’elle est bien plus liée à des phénomènes d’opposition des couleurs (c’est à dire à des stimuli soustractifs) qu’à des intensités absolues (stimuli additifs).1

Lorsqu’on parle de modèle teinte-chroma-clarté, par exemple, on implique que les couleurs sont évaluées contre un fond blanc, tel que présenté dans le nuancier de Munsell . Le modèle devient passablement erroné dans tout autre contexte, en particulier parce que la chroma contribue à la perception de luminosité (effet Helmholtz-Kohlrausch ), ce dont la clarté ne tient pas compte.

C’est la raison pour laquelle, dans les industries des média et de l’imprimerie, l’évaluation des couleurs est réalisé en conditions standard : lumière D50 ou D65, arrière-plan et environnement gris moyen, lumière incidente de luminance 100 à 300 Cd/m². Le problème est que tout cela ne tient toujours pas compte des effets du contenu de l’image en elle-même, car la même robe rouge peut paraître très différente vue contre un ciel bleu, un mur gris ou un feuillage vert, même si vous avez éliminé tous les effets possibles de l’éclairage ambiant.

Tandis que les modèles d’apparence des couleurs essaient d’éliminer la contribution de nombreux paramètres pour tenter de trouver des dimensions de la couleur vraiment indépendantes, nous devons garder à l’esprit que leurs hypothèses de base sont rarement validées dans les conditions réelles, et leur utilisabilité pratique dans le monde réel est limitée. Dans tous les cas, les modèles sont des réductions mathématiques de réalités bien plus complexes afin d’être calculables. Et les 3 dimensions de la couleur ne sont pas réellement indépendantes.

À quel point la théorie de la couleur est-elle utile ?

Les retoucheurs d’images, artistes digitaux et autres pousseurs de pixels traitent des images encodées sous forme de signaux RVB. Ceux-ci sont des signaux additifs qui ont du sens dans des pipelines d’imagerie commençant avec des capteurs qui accumulent des photons et finissant avec des panneaux LED qui émettent des photons. Rien de tout ça n’est directement lié à la mécanique réelle de la vision humaine : c’est en réalité beaucoup plus proche de la physique de la lumière.

L’histoire de l’art a été écrite en grande partie par des peintres qui travaillaient avec des pigments, par nature soustractifs. Plusieurs siècles avant que Newton n’observe la diffraction de la lumière par des prismes (les couleurs de l’arc en ciel), ils étaient capables de restituer la peau et la chair humaine avec une incroyable maîtrise, sans avoir le dixième des connaissances que nous avons actuellement, et en utilisant un schéma de mélange des pigments qui n’a rien à voir avec la vision humaine.

La théorie de la couleur n’est donc pas un pré-requis pour faire de l’art, et certainement pas pour faire de l’art de qualité. Mais…

La théorie de la couleur fournit des noms à mettre sur des phénomènes que nous vivons quotidiennement et qui sont pour la plupart profondément contre-intuitifs. Si vous avez déjà rencontré des gens qui ont souffert des mois et des années sans que le personnel médical ne soit capable de diagnostiquer précisément leur maladie, vous savez à quel point il est important de pouvoir nommer la maladie, même si aucun traitement n’est disponible.

Les retoucheurs d’images souffrent d’utiliser des outils de manipulation de la couleur qui ne se comportent pas comme la vision humaine. Vous pouvez additionner des lumières, vous pouvez additionner des pigments, mais vous ne pouvez pas additionner des teintes car elles sont entièrement un produit du système cognitif humain. Mélanger des lumières et des pigments ayant une teinte originale donnée ne produira pas une teinte résultante facile à prévoire à la fin. La théorie de la couleur fournit des concepts pour comprendre ces déviations et pour mieux les gérer, c’est à dire pour donner du sens à ce que vous voyez, au-delà de ce qui se passe en poussant des curseurs dans une interface graphique.

Colorimétrie ou sciences de la couleur ?

La colorimétrie est une branche à part des sciences de la couleur, qui s’intéresse à mesurer la couleur, ce qui n’est pas loin d’être une contradiction dans les termes, car la couleur est une perception et qu’on ne peut guère mesurer les perceptions sensorielles sans violer les règles d’éthique de la recherche sur patients vivants.

On nomme colorimètre  un capteur trichromatique qui satisfait au critère de Maxwell-Luther-Ives, c’est à dire que ses “couleurs primaires” permettent d’exprimer tout spectre lumineux visible par une combinaison linéaire. Je vous épargne les détails mathématiques, retenez simplement que tout capteur photographique n’est pas automatiquement un colorimétre, et introduit donc des erreurs de mesure qu’on appelle métamérisme , qui seront bien embêtantes pour reproduire fidèlement les couleurs. En pratique, seuls les capteurs servant à l’étalonnage de la chaîne graphique se rapprochent du critère de Maxwell-Luther-Ives.2

L’objectif final de la colorimétrie n’est pas d’étudier la vision humaine, ni d’en comprendre le fonctionnement, mais de fournir des outils optiques, mathématiques et des métriques d’erreur (comme le delta E) qui permettent de profiler et de corriger la restitution des couleurs sur des systèmes d’affichage et de reproduction d’images, ou d’en effectuer le contrôle qualité. La colorimétrie est donc une discipline d’ingéniérie, avec tous les compromis pratiques que cela suppose, pas une science.

Le terme colorimétrie est improprement utilisé par toutes sortes de charlatans, pour désigner toutes sortes de choses n’ayant rien à voir, car il sonne scientifique tout en contenant le mot-clé “couleur”, connoté artistiquement.

Références

Science des couleurs

Fondamentaux, concepts et terminologie de la couleur.

Color Appearance Models, 3rd Edition. Mark D. Fairchild. 2013.
Mark Fairchild est professeur à l’Institut de technologie de Rochester (étroitement lié à l’héritage de Munsell et situé à proximité de l’entreprise Eastman Kodak). Les chapitres 1 à 9 listent les différents aspects de la vision et de l’adaptation, ainsi que les paramètres qui l’affectent et la terminologie de la couleur. Les 9 chapitres centraux détaillent les modèles d’apparence de couleurs typiques prêts pour l’industrie, avec des détails d’implémentation qui n’intéresseront que les ingénieurs. Les 3 derniers chapitres traitent de questions telles que la gestion des couleurs et la reproduction des couleurs qui peuvent intéresser tout artiste graphique. Site de l’éditeur 
Colour : sense and measurement. Richard Kirk. 2022.
Richard Kirk holds a PhD in physics and has worked at Filmlight UK research and development since the 1980’s. Filmlight is best known for its film digitization workflow (software and hardware) and its Baselight color grading software, used by most Hollywood movie productions to fine-tune the color look. Kirk is the co-author of the color-grading “tRGB” space used in Ansel color balance module and presented in the book (p. 79). The book itself is made available free of charge, as a PDF, so I will not expand on its content here : have a look for yourself. Just know that it is fairly accessible to non-technical people, well illustrated, and covers both film and digital imaging, with their relationships. Download the PDF .
Les dimensions de la couleur. David Briggs. Site 1 . Site 2 .
David Briggs est membre de la Colour Society of Australia et enseignant à la National Art School et à l’Université de Technologie de Sydney. En tant que dessinateur et coloriste, ses publications offrent un aperçu utile des interconnexions entre la théorie des couleurs et la pratique du mélange des pigments.

Pipelines de couleur

Comment les images numériques sont-elles traitées dans votre ordinateur du début à la fin

Le guide du voyageur galactique de la couleur numérique. Troy Sobotka. Site 
Je travaille avec Troy depuis des années — il a essentiellement aidé la plupart des projets de logiciels open-source à désamorcer leurs pipelines de couleurs au cours de la dernière décennie (du moins ceux qui ont accepté qu’ils avaient un problème, qu’ils le voient ou non) — et il est l’auteur original de Filmic pour Blender. Le site HG2DC est une visite guidée pas à pas de l’infographie avec de nombreuses images et animations vidéo expliquant où, pourquoi et que se passe-t-il avec vos pixels RVB.
Le livre de cinématographie en graphisme informatique. Chris Brejon. Site 
Chris a travaillé dans 5 des studios de cinéma les plus prestigieux du monde au cours des 13 dernières années, en tant qu’artiste d’éclairage et de composition. Bien que le livre se concentre sur la cinématographie, les chapitres sur la gestion des couleurs, la composition, l’éclairage et la théorie des couleurs s’appliquent directement à la photographie (même si le flux de travail change un peu).

Peinture 2D et rendu 3D

Créer des images à partir de zéro

Chaîne YouTube de Marco Bucci. Site 
Marco Bucci est un peintre et montre comment il construit ses peintures, surtout comment il ombre les sujets pour donner de la profondeur aux peintures en 2D. C’est très intéressant car les photographes ne capturent que ce qui est là, et peuvent se permettre de ne jamais se soucier des couleurs «vraies», «désirées» et «crédibles» d’une ombre. Étant donné que les peintres (et les artistes 3D) créent tout à partir de zéro, ils doivent se demander quelle couleur elle devrait être. Donnez un bon visionnage à sa chaîne, je vous promets que vous ne verrez plus jamais une ombre portée de la même manière. (Vous devrez peut-être écarter certaines de ses explications sur la théorie des couleurs, elles sont souvent inexactes).

Illusions visuelles

Être témoin de la crédulité de notre propre système perceptuel est essentiel pour anticiper les problèmes dans des applications du monde réel

L’effet Gelb de l’escalier illusoire. Site 
Répéter la même nuance grise ou colorée sur un dégradé modifie la couleur perçue de la nuance, en plus de l’effet typique de banding de Mach (voir ci-dessous).
Couleur et contraste. Nate Baldwin. Site 
De nombreux effets visuels et illusions démontrés, impliquant des illusions de contraste local. Le site se concentre sur la conception d’interfaces utilisateurs et vise à démontrer l’origine des meilleures pratiques, mais les démonstrations sont pertinentes pour tout public.
Illusions d’optique. R. Beau Lotto. Site 
Assistez à l’impact des différentes luminosités et teintes de l’environnement sur des nuances de couleur qui sont exactement similaires.

Color-grading

Corriger ou introduire des décalages de couleur pour assurer une apparence cohérente entre les images et créer une ambiance

Color Correction Handbook (vol. 1) / Color Correction Look Book (vol 2). Alexis Van Hurkman. 2013. Google Play vol. 1 . Google Play vol. 2 
These books have a special place in Darktable/Ansel history because I used them as a reference to redesign the features of the color balance module. While they focus on color grading for movies, they are software-agnostic (showing how to get things done in different applications), and make use of color tools like RGB curves, color balance, channel mixer and 3D LUTs that are all available in Ansel. They contain valuable insight on how to (and why) create color looks in images, to put the form at the service of the content. I recommend you get digital copies of them because they have lots of illustrations that will be rendered on screen better than what printed paper allows.

Actualités et aperçus

Rester à jour avec les actualités des couleurs, les analyses techniques et autres mythes débunking sur la couleur

Bibliothèque des sciences de la couleur, blog. Site 
Le projet de science des couleurs fournit une bibliothèque Python avec de nombreux modèles de couleurs et d’autres outils numériques pour les ingénieurs et chercheurs travaillant sur la couleur et la vision. Je l’utilise beaucoup, en particulier pour créer des balayages de couleurs et d’autres graphiques sur ce site web. Bien que cela n’intéresse pas les utilisateurs finaux, le blog du projet contient des aperçus bien documentés et utiles sur des sujets tels que la calibration des couleurs et l’éclairage.

Translated from English by : Aurélien Pierre, ChatGPT. In case of conflict, inconsistency or error, the English version shall prevail.

  1. To convince yourself, visit this website , showcasing optical illusions where grey patches put in a blue surround appear yellow, and vice versa. ↩︎

  2. From the paper What is the space of spectral sensitivity functions for digital cameras, by Jun Jiang, Dengyu Liu, Jinwei Gu and Sabine Süsstrunk (2013), the Canon cameras are the closest from the Maxwell-Luther-Ives condition (twice as good as the Hasselblad), but a cross-search on DXOMark  indicates that this improved colorimetry is done at the expense of low-light noise. The current ISO beasts have most likely sacrificed a lot of color accuracy to win on sensitivity. ↩︎